Je me souviens bien de cette rivière qui traversait le Bois des Bambous. Quand je reviens à cet endroit aujourd'hui, je ne vois qu'un lit asséché recouvert par une végétation pullulante. La guerre contre la Sorcière a laissé des traces indélébiles.
Je retourne parfois à la grotte dans laquelle je vivais avec mon père. Il n'aimait pas les autres membres de notre race, ces voleurs. Ni les Dévas, ces fous. Ni les Asuras, ces assassins. Mais il aimait les arbres, les végétaux et les animaux. J'ai été profondément marqué par cette relation à la nature.
Ma mère ? Il n'a jamais voulu m'en parler, et je n'ai aucun souvenir d'elle... Mais je voyais qu'il l'aimait encore. Etait-ce à cause d'elle qu'il vivait en reclus ? Le chagrin peut parfois changer une vie.
Mais cette vie n'était pas faite pour moi. J'étais jeune, j'avais besoin de bouger, de voir autre chose que la forêt, de rencontrer mes semblables. Alors j'ai quitté mon havre de tranquillité. Et quel changement ! Horizon fut ma terre d'accueil. J'y ai découvert l'agitation, l'alcool, les femmes... et la survie. Vivre seul dans une ville, qui plus est sans ressource, est une expérience que je ne souhaite à personne. Heureusement mes talents de maniement de la hache, que j'utilisais auparavant pour couper les arbres, m'ont permis de me vendre un temps comme mercenaire. Les tâches étaient rarement légales, mais les quelques roupies que je recevais en contrepartie me permettaient tout de même de manger et de me payer une chambre à l'auberge.
Je compris rapidement que l'argent était l'élément moteur de la société. Celui qui en a décide pour ceux qui n'en ont pas. Certains ont un idéal mais des poches vides. Ceux-là rêvent leur vie. J'ai rencontré hier un groupe d'Asura, qui étaient parait-il en "mission", d'une nature incompréhensible pour moi. Ils ne semblaient pas beaucoup apprécier ma présence, ni le fait que je soit Gaïa. Mon père avait bien raison à leur sujet...